1 - Le point didactique : l'interculturel
"Le cours de langue constitue un moment privilégié qui permet à
l’apprenant de découvrir d’autres perceptions et classifi-cations de la
réalité, d’autres valeurs, d’autres modes de vie…
Bref, apprendre une langue étrangère, cela signifie entrer en contact avec une nouvelle culture." Myriam Denis, Dialogues et cultures n°44, 2000, p. 62 |
I - Pourquoi s'intéresser à l'interculturel ?
Voici plusieurs pistes proposées par Jean-Marcel Morlat dans l'article "L'approche interculturelle en classe de français langue étrangère" publié en avril 2009 sur Edufle.
"Parmi les représentations de communautés étrangères, certaines sont des
stéréotypes, perceptions figés et appauvrissantes, voire fantasmatiques,
de réalités autres.
La valeur identitaire des stéréotypes est bien connue et a été analysée dans le cadre des sciences sociales […] ; leur valeur cognitive est, elle aussi, connue : descriptions condensées non falsifiables et d’emploi universel (« Les Français sont nationalistes » est un argument polyvalent), les représen-tations stéréotypées constituent une forme non problématique de la connaissance, aisément mobilisable dans les argumentations ordinaires. L’étranger est un des objets qui donne fréquemment matière à stéréotypes et, à ce titre, sa connaissance doit se construire sur une remise en cause de ces perceptions schématiques réductrices." Jean-Claude BEACCO, 2000, Les dimensions culturelles des enseignements de langue, Paris, Hachette Livre/Français Langue Étrangère, p. 119. |
"L’exercice de civilisation ne peut se réduire à l’étude de documents, ou à la compréhension de textes. Cette définition minimale n’est opératoire que dans un cadre strictement scolaire. Ce qui est proposé, c’est de mettre en place des compétences qui permettront de résoudre les dysfonctionnements inhérents aux situations où l’individu s’implique dans une relation vécue avec l’étranger et découvre ainsi des aspects de son identité qu’il n’avait pas encore eu l’occasion d’explorer : sa qualité d’étranger qui lui est renvoyée par le regard de l’autre, les particularismes de ses pratiques qui lui étaient jusque là apparues comme des évidences indiscutables."
Geneviève ZARATE, 1993, Représentation de l’étranger et didactique des langues, Paris, Crédif-Hatier, pp. 98-99. "Dans le cadre d’une réflexion sur le fonctionnement de sa propre culture et par sa mise en relation avec d’autres cultures, l’apprenant peut améliorer sa pratique d’une langue étrangère." "Il importe de mettre à jour les représen-tations, qu’on les conscientise, dans le double but d’une part de leur retirer leur valeur d’évidence et de les déconstruire afin de les mettre à leur juste place, d’autre part de les relativiser et d’introduire d’autres modes d’appréhension du monde qui relèvent |
d’une approche rationnelle. Ceci afin de permettre une construction de connais-sances la plus juste possible."
A. CAIN et al, 1995, Stéréotypes culturels et apprentissage des langues, Etude pilotée par l’INRP, éditée par la commission française pour l’Unesco. "Les enseignants de langue devraient être dotés d’outils leur permettant d’accéder à une connaissance approfondie de leur public, dans ses composantes culturelles autant que linguistiques." Louise DABÈNE, 1994, Repères sociolin-guistiques pour l’enseignement des langues, Paris, Hachette supérieur, p. 171. |
II - Comment l'interculturel interfère avec
l’enseignement des langues étrangères ?
l’enseignement des langues étrangères ?
Ces extraits proviennent du cours "L'approche interculturelle en didactique du FLE" de Philippe Blanchet pour l'Université de Rennes 2 en 2004-2005.
2. Rapports généraux langue/culture et aspects culturels en didactique des "Langues vivantes étrangères"
La nécessité d’intégrer une forte dimension culturelle dans l’enseignement des langues est, depuis plusieurs décennies, largement acceptée. La finalité de cet enseignement est de rendre possible la communication active avec des locuteurs de la langue visée, et notamment dans leur contexte usuel (notamment dans un autre pays). C’est l’option dite "communicative", très majoritaire aujourd’hui. Or, il n’est pas possible de communiquer en situation de vie sans partager un certain nombre de connaissances et de pratiques culturelles. Toutes les méthodes ont donc développé cet aspect, de façons diverses, même si c’est souvent au titre réducteur de la "civilisation". |
On peut y ajouter, de manière plus approfondie, que la langue est indissociable de la culture, car elles sont "les deux facettes d’une même médaille",
comme disait Emile Benveniste. En effet, toute langue véhicule et
transmet, par l’arbitraire de son lexique, de sa syntaxe, de ses
idiomatismes, les schèmes culturels du groupe qui la parle. Elle offre une "version du monde" spécifique, différente de celle offerte par une autre langue (d’où la non correspondance terme à terme de langues différentes).
Inversement, toute culture régit les pratiques linguistiques, qu’il s’agisse par exemple de l’arrière-plan historique du lexique, des expressions, des genres discursifs ou qu’il s’agisse des conventions collectives d’usage de la langue (règles de prise de parole, énoncés ritualisés, connotations des variétés et "registres" de la langue, etc.). |
4. Principes et caractéristiques de la communication interculturelle
La communication est ici conçue comme un processus d’interprétation de signaux verbaux, para-verbaux (gestuels, etc.), psychologiques (mode de relation à l’autre) et culturels, dont le but est de produire des significations lors de l’interaction. On distingue donc le contenu sémantique de l’énoncé (le sens) et la signification que cet énoncé contribue à produire selon le contexte et les autres signaux simultanés. Il est très fréquent que la signification d’un échange soit très éloignée du sens de l’énoncé qui le stimule. Ainsi, l’énoncé "Il fait beau" peut parfaitement contribuer à la signification "nous allons pouvoir aller ramasser les légumes", si d’autres signaux contextuels permettent de l’interpréter ainsi. Car le code linguistique n’est que l’un des quatre codes dans lesquels on peut regrouper l’ensemble des signaux produits et interprétés lors d’une interaction. Cela implique qu’un message sorti du contexte est vide de signification, et donc que le domaine linguistique n’est pas le seul à envisager dans un enseignement des langues à finalité communicative. |
En
outre, il faut noter que les interlocuteurs possèdent toujours des
codes différents l’un de l’autre. Ces codes ne sont qu’en partie communs
(notamment les codes linguistiques qui permettent l’existence d’un
échange verbal, mais on peut se comprendre en parlant des langues
différentes). Il n’y a pas deux personnes qui parlent exactement la même
langue. La relative similarité des codes linguistiques risque même de masquer des différences plus profondes (des
autres codes, notamment culturel, mais aussi des codes linguistiques
eux-mêmes, car on n’attache pas les mêmes valeurs aux mêmes mots ou
énoncés) et donc de produire des malentendus d’autant plus graves qu’ils
ne sont pas - ou pas clairement - identifiés.
Cela nous invite à enseigner, surtout en vue des conversations exolingues qui vont caractériser beaucoup des pratiques de nos apprenants de langues, une grande vigilance à la différence d’interprétation et des moyens de régulation de l’interprétation. |
7. Modalités d'interventions et objectifs pédagogiques
On pourra ainsi :
- viser avant tout la culture active, les règles de comportement et d’inter-prétation, et non la culture patrimoniale, les connaissances intellectuelles et les généralités historico-sociologiques, inutiles pour qui ne sait pas les mettre en œuvre, et secondaires en termes de priorité pédagogique (dans le cadre d’une approche communicative interculturelle) ; - viser la conscientisation et la décons-truction des stéréotypes (culturels et linguistiques) ; - viser les pratiques culturelles fonda-mentales du quotidien (l’alimentation, la structure familiale, les relations entre les sexes, les croyances, l’habitat, les rythmes de vie, etc.), c’est-à-dire ce qui constitue la "description" d’une culture pour un ethnologue ; - prendre l’apprenant pour qui il est, et non pas l’affubler d’un autre nom et lui faire endosser des rôles artificiels ; |
- toujours utiliser des supports pédago-giques et des activités vraisemblables (sinon "authentiques") en contexte complet ;
- travailler concrètement et précisément les rituels communicatifs, les discours codifiés (écrits et oraux), les règles de base de la communication dans la culture cible ; - travailler les mimiques, gestes, postures, la proxémique (distance corporelle avec l’interlocuteur), qui jouent un grand rôle dans la communication et dont les composants, usages, et signi-fications varient beaucoup d’une culture à l’autre ; - mettre à jour les différences des pratiques d’enseignement elles-mêmes ("rituels académiques") surtout si l’on a des apprenants déjà fortement scolarisés, car les règles mêmes du "jeu" pédagogique diffèrent grandement d’une culture à l’autre et ces différences sont des sources fréquentes de difficulté d’apprentissage… |
Et surtout, ajoutez-y une bonne dose de chaleur humaine et d’humour !
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III - Où trouver des données culturelles ?
Organisme public, le centre d'apprentissage interculturel offre de très riches aperçus culturels sur la plupart des pays du monde en associant le point de vue local et le point de vue canadien sur des thèmes aussi variés que le style de communication, la base des bonnes relations, la démonstration des émotions ou encore l'approche de la ponctualité...
Passionnant et riche en informations pour gérer avec recul des classes multiculturelles ! |
Benjamin Pelletier est consultant en management interculturel. Diplômé en philosophie et en intelligence économique, il a travaillé en France et au Moyen-Orient... et enseigné le FLE à Séoul et à Riyad ! Il publie sur son blog des articles très intéressants sur l'impact des enjeux interculturels, par exemple "Le détail à valeur monumentale – 4 anecdotes riches d’enseignement", "Conseils interculturels : fiches de neuf pays" ou "Working with the French".
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IV - Creuser la question ?
- Différences culturelles, regards croisés, stéréotypes, management interculturel - Éducation interculturelle, anthropologie interculturelle
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- État de relation entre la culture nationale du pays de départ et la culture cible - Dynamiques d'acculturation entre ensembles culturels - Comprendre avant d'agir - 7 objectifs de l'enseignement de la civilisation - Sources documentaires et pertinence éventuelle pour l'enseignement de la civilisation |
- Les compétences attendues - Pistes pédagogiques - Conclusion
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2 - L'outil numérique : Framapad
Enfin un outil pour faire collaborer efficacement les apprenants ! Framapad permet de partager la même "feuille électronique" avec d'autres internautes via l'ordinateur ou le téléphone.
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